Les bases : que se passe-t-il dans le cerveau ?

Avant de parler des causes, il est important de comprendre ce qui change, concrètement, dans le cerveau d’une personne malade. La maladie d’Alzheimer provoque deux phénomènes nocifs :

  • La formation de "plaques amyloïdes" : ce sont des dépôts collants d’une protéine appelée “bêta-amyloïde” qui s’accumulent entre les cellules nerveuses, gênant leur communication.
  • L’apparition de "dégénérescence neurofibrillaire" : une autre protéine, appelée "tau", s’emmêle à l’intérieur des neurones et les abîme de l’intérieur.

Avec le temps, ces altérations détruisent les neurones et fragilisent les régions du cerveau nécessaires à la mémoire, au raisonnement, puis à bien d’autres fonctions.

Tout cela n’arrive pas par hasard. Mais, contrairement à ce que l’on croit parfois, ce n’est pas “normal avec l’âge”. Plus on vieillit, plus le risque augmente, mais vieillir n’est pas tomber malade.

Génétique : un terrain fragile, mais rarement une fatalité

La première chose que les familles me demandent souvent : “Est-ce qu’on a hérité de la maladie ?”

Dans la majorité des cas, la réponse est non, ou du moins, pas directement. Selon les connaissances actuelles (Alzheimer’s Association), seule une très faible part des cas (moins de 1 %) sont dus à une mutation génétique spécifique, transmise d’une génération à l’autre. Ces cas “héréditaires” concernent généralement des personnes chez qui la maladie débute avant 65 ans, parfois même dès 40 ou 50 ans.

  • On parle de plusieurs gènes responsables : APP, PSEN1 et PSEN2. Ces mutations poussent les cellules du cerveau à fabriquer trop rapidement la fameuse “bêta-amyloïde”.
  • Mais ce sont des cas vraiment exceptionnels. Les “formes familiales” d’Alzheimer représentent environ moins de 1% des cas.

Pour la grande majorité, il s’agit plutôt d’une prédisposition : certaines variations de gènes augmentent légèrement le risque, sans rendre la maladie inévitable. Le plus connu : le gène APOE ε4. Une personne porteuse de cette variante a plus de risques de développer la maladie, mais beaucoup de gens avec ce gène ne sont jamais malades non plus.

Il faut donc imaginer la génétique comme un terrain, parfois fragilisé, mais sur lequel vont ensuite agir d’autres facteurs.

Facteurs de risque : quand l’environnement pèse

On a longtemps parlé d’Alzheimer comme d’un “destin inéluctable”. Ce n’est plus tout à fait vrai. On sait aujourd’hui que des facteurs sur lesquels nous avons parfois un peu de prise peuvent jouer un rôle.

  • L’âge reste le premier facteur : plus de la moitié des personnes de plus de 85 ans sont touchées (Inserm).
  • Le sexe : les femmes sont plus fréquemment malades, même si cela est aussi lié à leur plus grande longévité.
  • Les antécédents cardiovasculaires (hypertension, diabète, obésité, tabac) augmentent le risque d’Alzheimer, sans en être la cause directe.
  • La sédentarité : un mode de vie inactif fragilise le cerveau autant que le cœur.
  • L’isolement social et le manque de stimulation cognitive jouent aussi un rôle, et pas des moindres je le constate chez tant de personnes âgées désocialisées.
  • L’histoire des traumatismes crâniens (chute, accident) peut être un facteur aggravant, surtout chez les personnes qui vieillissent.

Des études comme celles de la revue Lancet (2017 et 2020) nous rappellent que 40% des cas d’Alzheimer pourraient être liés à des facteurs modifiables (scolarité, audition, alimentation, contrôle de la tension…). Ce n’est pas tout ou rien, mais c’est déjà beaucoup.

Au-delà des chiffres : pourquoi la maladie se déclenche-t-elle ?

On aimerait comprendre pourquoi, parfois, deux personnes très proches, vivant dans un environnement similaire, n’ont pas du tout le même destin. La réponse ? Parce que tout se joue dans des balanciers fragiles :

  • C’est une question de fragilité cumulative : la génétique, s’ajoutant à un cerveau fragilisé par des années de petits accidents vasculaires, ou une vie très isolée, ou un stress chronique…
  • Des “malchances” qui s’additionnent, mais jamais une punition. Parfois, tout a été fait “comme il faut”, et la maladie survient tout de même.
  • Une maladie lente, silencieuse : les chercheurs estiment que les lésions cérébrales commencent à s’accumuler 10 à 20 ans avant les premiers symptômes (source : Fondation Vaincre Alzheimer). Cela explique pourquoi les premiers signes sont si difficiles à repérer.

Il est donc rarissime de pouvoir dire « c’est à cause de… ». C’est un enchevêtrement complexe — ce qui ne déculpabilise pas toujours, mais qui doit nous soulager d’un poids : personne n’est responsable.

Les fausses idées les plus répandues

J’entends souvent certaines croyances. Pour aider à y voir plus clair, voici quelques affirmations, passées à la loupe :

  • “Le stress provoque Alzheimer” : Non, mais un stress chronique fragilise l’organisme, et peut indirectement aggraver les facteurs de risque.
  • “L’aluminium ou les vaccins” : Absolument aucune étude sérieuse n’a validé ce lien. La Haute Autorité de Santé (HAS) l’a expliqué plusieurs fois : ces rumeurs sont infondées.
  • “Les chocs émotionnels récents” : Perdre un conjoint peut précipiter l’expression des troubles, mais n’est jamais “la cause” de la maladie, les lésions étaient déjà là depuis des années.
  • “C’est une sorte de sénilité naturelle” : Non. On ne “doit pas” perdre la mémoire en vieillissant. Oublier son numéro de téléphone arrive à tout le monde, mais désorienter tous ses repères, ce n’est pas un vieillissement normal.

Prévenir, se protéger : ce que montrer la science (et ce qui reste à découvrir)

Les grandes études épidémiologiques montrent aujourd’hui qu’on peut retarder, voire prévenir une fraction des cas d’Alzheimer, grâce à de petits gestes répétés.

  • Entretenir ses relations sociales : participer à des ateliers, garder du lien même simple, c’est déjà protéger son cerveau.
  • Alimentation méditerranéenne : riche en fruits, légumes, huile d’olive et poisson, elle diminue le risque d’Alzheimer (source : étude MAPT, Inserm).
  • Activité physique régulière : la marche quotidienne, quelques exercices adaptés selon l’âge, c’est un facteur puissant de protection.
  • Bien entendre, bien voir : ne pas négliger les aides auditives ou visuelles, la privation sensorielle isole le cerveau et accélère ses faiblesses.
  • Traiter l’hypertension, le diabète : parce qu’un cerveau bien irrigué vieillit mieux.

Mais il faut rester honnête et humble : aujourd’hui, il n’existe pas de remède au déclenchement du processus d’Alzheimer. La recherche avance tous les jours, et donne déjà de l’espoir pour mieux comprendre les causes profondes, et peut-être, un jour, freiner la maladie chez ceux qui y sont le plus exposés.

Ce qu’on ne contrôle pas, et ce qu’on peut encore partager

Avoir accompagné tant de familles m’a appris une chose : chercher la cause de la maladie, c’est humain, mais ce n’est pas là que se situe votre force. Votre force, c’est dans le présent, dans chaque petite victoire quotidienne, dans le lien qui reste, dans ce que l’on invente ensemble pour traverser l’incertitude.

Alors, même si la génétique et l’environnement nous jouent parfois des tours, il reste les gestes, les mots justes, et tous ces moments où, malgré la maladie, on peut encore “se reconnaître”. Et cela, aucune statistique, aucune étude ne pourra jamais vous le retirer.

N’hésitez pas à partager cette page à vos proches qui se posent tant de questions, ou à vos collègues si vous êtes soignant. Pour mieux comprendre, expliquer, et, oui, se donner du courage.

Pour aller plus loin

  • Alzheimer’s Association, “Causes and risk factors” : Lien
  • Inserm, Dossier Alzheimer : Lien
  • Lancet Commission 2020 : Lien
  • Fondation Vaincre Alzheimer, “Prévenir la maladie” : Lien
  • Haute Autorité de Santé, “Idées reçues sur Alzheimer” : Lien

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